Cette équipe spécialisée de Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado (São Paulo) évalue les effets de la neuromodulation non invasive dans le traitement de l'obésité. Ce n’est pas la première équipe à faire l’hypothèse de l’efficacité de la stimulation magnétique transcrânienne pour renforcer la maîtrise de soi et de ses fringales. Ces nouveaux résultats publiés dans la revue Appetite confirment que la stimulation transcrânienne à courant continu (TDCS) peut réduire ou augmenter l'appétit, mais l'effet reste fonction du profil génétique du patient.
La technique fait partie des nouvelles approches testées pour traiter l'obésité, les premiers tests effectués semblant suggérer son efficacité à réduire l'appétit, l'apport alimentaire et le poids, mais seulement chez certains sujets. C’est précisément l’objectif de la recherche, élucider la raison de cette variabilité des réponses au traitement par stimulation transcrânienne à courant continu. Avec une hypothèse de départ, souligne l’auteur principal, Priscila Giacomo Fassini : « Le profil génétique du patient, en particulier les variations d’un gène spécifique, COMT, semblent constituer un facteur clé pour déterminer la réponse à la stimulation ».
Le profil génétique du patient, une condition à l'efficacité de la neurostimulation contre l'obésité
L’auteur avait déjà mené un essai clinique randomisé contrôlé à double insu visant à tester l'efficacité de la TDCS sur la réduction de l'appétit et du poids, avec la Fondation de recherche de São Paulo. Dans les essais cliniques randomisés en double aveugle, considérés comme la méthode de référence pour évaluer de nouvelles thérapies, les volontaires sont répartis de manière aléatoire en deux groupes, et ni eux ni les chercheurs ne savent qui reçoit le traitement ou l'intervention vs placebo.
La TDCS consiste à placer 2 électrodes (une cathode et une anode) sur le cuir chevelu du patient, ces électrodes étant connectées à un petit appareil portable, générant un courant galvanique qui modifie l'activité électrique du cerveau dans la zone ciblée. Dans le cas de l'obésité, l'objectif est de moduler l'excitabilité des neurones dans le cortex préfrontal dorsolatéral gauche. Ici, les chercheurs ont utilisé un courant de seulement 2 milliampères, trop faible pour être ressenti par les patients. À partir d’un échantillon de base de près de 9.000 volontaires, les chercheurs ont sélectionné 38 femmes âgées de 20 à 40 ans pour participer à l’essai clinique. Ces participantes présentaient toutes un indice de masse corporelle (IMC) compris entre 30 et 35, représentatif d’une obésité de classe 1 (légère). Les chercheurs ont exclu les femmes enceintes et les personnes qui prenaient des médicaments ou qui présentaient des affections médicales importantes susceptibles d'influencer les résultats. Et comme la 3è phase de l'essai impliquait une hospitalisation de 2 semaines, les participants devaient aussi avoir la disponibilité nécessaire pour y participer. Les participants sélectionnés ont suivi 17 sessions de 30 minutes de TDCS au cours d’un mois. L'appétit et le poids ont été surveillés pendant 6 mois.
L'essai clinique comportait 4 phases :
- 1è étape : les participants ont reçu une seule séance de TDCS, puis ont immédiatement passé un test de mesure de la mémoire de travail. L'objectif était de confirmer que la zone cérébrale correcte était stimulée, car le cortex préfrontal dorsolatéral gauche est associé à la fois à la mémoire de travail et à la régulation de l'appétit ; dans ces deux fonctions, il est prouvé que les effets de la neuromodulation sont médiés par la libération de dopamine, un neurotransmetteur produit par les neurones. La dopamine joue ainsi un rôle crucial dans la régulation de la récompense alimentaire, de l'alimentation et du poids corporel ; les aliments au goût agréable activent le système de récompense du cerveau, contribuant ainsi à la libération de dopamine. La neuromodulation semble apparemment capable de reproduire cet effet.
- 2è étape : les volontaires ont reçu 10 séances de TDCS (une le matin, du lundi au vendredi), puis ont repris leur routine habituelle après chaque intervention.
- 3è étape : les volontaires ont été admis à l'hôpital pendant 2 semaines pour suivre sous surveillance un régime individualisé et hypocalorique, avec une réduction de 30% de l'apport énergétique. Au cours de cette période, ils ont également reçu 6 séances supplémentaires de TDCS.
- 4è étape : durant 6 mois après la fin de l’intervention, le poids et l’appétit des participants ont été surveillés. Les effets du traitement sur l'appétit pendant et après la neuromodulation ont été mesurés à l'aide d'échelles standard pour évaluer la faim, la satiété, l’envie de manger et la consommation alimentaire.
L'ADN génomique obtenu à partir d'échantillons de sang prélevés au cours de la première étape a été également séquencé. La dopamine étant connue pour son rôle clé dans le mécanisme d'action de la TDCS, les variations du gène COMT, qui code la catéchol-O-méthyltransférase, une enzyme jouant un rôle essentiel dans la dégradation de la dopamine dans l'organisme ont été étudiées.
La neurostimulation ne fonctionne que chez les porteurs d’un variant génétique spécifique : l’analyse montre, avec la TDCS,
- une réduction significative de l'appétit au fil du temps chez les individus porteurs de l'allèle Met de COMT : « ces personnes ont mieux réagi au traitement en raison d'une disponibilité accrue de la dopamine, un niveau de faim réduit, une envie de manger mieux contrôlée et une consommation alimentaire moindre au fil du temps » ;
- un effet paradoxal observé chez les non-porteurs de l’allèle COMT Met. La TDCS entraine en effet chez ces participantes l’effet exactement inverse : la thérapie augmente leur faim, leur envie de manger et leur prise alimentaire s’accroît au fil de l’étude. Cet effet paradoxal est constamment observé dans les évaluations répétées ;
- une corrélation entre les performances au test de mémoire de travail au cours de la première étape et un changement d'appétit ultérieur dépendant du génotype COMT.
L’effet du traitement sur le poids corporel est toujours en cours d’analyse. Ces premiers résultats nous aident à comprendre pourquoi seules certaines personnes répondent au traitement par TDCS. Des différences de génotype affectent la disponibilité de la dopamine et influencent l'effet de la neurostimulation. Mais il pourrait y avoir d'autres facteurs, à identifier lors d’études futures.
Ensuite la question se pose de savoir si les altérations du fonctionnement cérébral induites par la neuromodulation impliquent des modifications à long terme de la plasticité cérébrale.
Source : Appetite September 2019 DOI : 10.1016/j.appet.2019.05.015 Appetite effects of prefrontal stimulation depend on COMT Val158Met polymorphism: A randomized clinical trial (Illustration Fabio Otubo)
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