Il est clair que l’hyperlipidémie fréquemment associée au surpoids et à l’obésité est un facteur de risque cardiovasculaire. Mais la démonstration de cette équipe du Karolinska Institutet, de l'Université d'Oxford et de l'Université de Copenhague va plus loin : des niveaux élevés de lipides spécifiques, appelés céramides, sont en cause dans ce risque jusqu'à 10 fois plus élevé de décès cardiovasculaire. La perte de poids reste la mesure de première intention, combinée au traitement par l’antidiabétique liraglutide pour contrôler les taux de céramide et pour éliminer ce risque, selon ces résultats publiés dans le Journal of the American College of Cardiology.
Entre 15 et 40% des populations des pays riches souffrent d’obésité, définie pat un IMC >30. Les chercheurs rappellent que c’est le facteur de risque le plus élevé de maladie et d’événement cardiovasculaire dont l'infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral (AVC). Si le lien est maintenant bien connu, « mieux le comprendre peut ouvrir la voie au développement de nouvelles thérapies », relève l’auteur principal, Craig Wheelock, chercheur au Département de biochimie médicale et biophysique du Karolinska Institutet.
La graisse, un véritable laboratoire biochimique
La graisse traditionnellement considérée comme un simple tissu de stockage, s’avère un véritable laboratoire biochimique capable de produire des molécules de signalisation qui exercent de puissantes fonctions biologiques. Comprendre comment les adipocytes produisent et libèrent ces molécules ouvre la possibilité de les reprogrammer et de prévenir l'incidence des maladies cardiovasculaires. Ici, )à l’aide d’une technique de spectrométrie de masse appelée métabolomique, les chercheurs ont pu mesurer les niveaux de plusieurs métabolites sécrétés par deux types de tissus adipeux humains.
Graisse viscérale et graisse sous-cutanée : les scientifiques font, à nouveau, bien la différence entre graisse viscérale et graisse sous-cutanée. La graisse qui s'accumule autour du cœur chez les personnes obèses sécrète en effet des métabolites bien différents de la graisse sous-cutanée. En particulier le tissu adipeux thoracique (qui entoure le cœur) des personnes obèses sécrète des niveaux plus élevés de céramides, une sorte de lipide qui appartient à la famille des sphingolipides. En particulier, des niveaux élevés d'un variant lipidique appelé céramide C16: 0 sont observés chez les participants obèses. Cette céramide est basée sur l'acide palmitique, une graisse saturée constituée de 16 atomes de carbone. Les céramides se trouvent à des niveaux élevés dans les membranes cellulaires et sont également d’importantes molécules de signalisation.
Pour comprendre l'importance des effets cardiovasculaires des céramides, les chercheurs ont suivi durant plus de 5 ans, 633 patients atteints d'athérosclérose. Ils constatent chez ces patients des niveaux élevés de céramide C16: 0 et de sa variante glycosylée. Ces niveaux s’avèrent liés à une multiplication par 10 du risque de maladie cardiovasculaire et même après prise en compte des facteurs de confusion possibles. Quel processus ? Les céramides sécrétées par le tissu adipeux endommagent les vaisseaux sanguins humains en déclenchant un processus de stress oxydatif, qui peut conduire à la crise cardiaque et à l’AVC. L’équipe confirme ainsi que la graisse n'est pas seulement un tissu de stockage d'énergie, mais aussi une source de molécules bioactives importantes dotées de puissantes fonctions immunomodulatrices.
Un nouveau marqueur prédictif du risque cardiovasculaire : ces nouvelles données suggèrent que la mesure de certains sphingolipides, à la fois dans leur forme d'origine ainsi que dans leurs formes glycosylées, pourrait permettre de mieux évaluer le risque d’événement cardiovasculaire mortel.
Quelle prévention possible ? Les chercheurs ont regardé si des niveaux élevés de céramide dans le sang peuvent être efficacement réduits. 32 volontaires ont été affectés à suivre un régime hypocalorique pendant 52 semaines avant d'être répartis en 2 groupes, l'un recevant au bout de 8 semaines un placebo et l'autre le liraglutide, un analogue du GLP 1 approuvé pour le traitement de l'obésité et du diabète de type 2. Un an après le début de l'étude, les taux sanguins de céramide ont augmenté de manière significative dans le groupe témoin, tandis que les taux sont restés stables dans le groupe régime + liraglutide.
En résumé, il existe bien une corrélation directe entre le risque de maladie cardiovasculaire mortelle et les niveaux de céramides dans le sang, et ce risque peut être prévenu par un régime de perte de poids et le traitement par liraglutide.
Source: Journal of the American College of Cardiology 25 May 2021 DOI : 10.1016/j.jacc.2021.03.314 Fat-Secreted Ceramides Regulate Vascular Redox State and Influence Outcomes in Patients With Cardiovascular Disease
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