On sait aujourd’hui que le soutien social joue un rôle clé dans de nombreux domaines de la santé physique, de l’adhésion aux facteurs d’un mode de vie sain à l’observance des traitements. Généralement documenté comme positif pour les résultats de santé, l’impact social peut aussi devenir délétère : cette méta-analyse originale de psychologues de l’Université du Surrey, publiée dans les Current Obesity Reports, révèle comment « le sabotage et la collusion » des proches peuvent devenir un obstacle pour celui qui tente de perdre du poids.
La famille et les proches pourraient même « conspirer pour saboter » votre parcours de perte de poids. L’analyse révèle ainsi une nouvelle facette de l’impact social, et apporte de nouvelles preuves de son rôle pas toujours positif pour la santé. Et cela s’avère tout particulièrement vrai pour la gestion du poids.
L’analyse passe ainsi en revue les preuves du rôle positif ou négatif du soutien social dans le contexte des interventions comportementales et de la chirurgie de l’obésité. Elle identifie un nouveau modèle d’impact social négatif caractérisé par
- le sabotage du parcours de perte de poids, soit une atteinte active et intentionnelle aux objectifs de poids d’une autre personne ;
- une suralimentation explicite de la personne alors qu’elle n’a pas faim ou ne souhaite pas manger ;
- une collusion des proches ou de la famille visant à imposer des habitudes alimentaires.
Le soutien social a été et est défini comme lié au confort perçu, à la bienveillance, à l’estime ou à l’aide des autres. Son rôle a été documenté sur 4 axes :
- comme catalyseur de positivité,
- comme amplificateur de positivité,
- comme tampon ou protection contre la « négativité »,
- mais aussi, dans des cas plus rares, comme exacerbateur de négativité.
En général, donc, le soutien social est considéré comme ayant un impact bénéfique sur l’individu, soit directement parce que la manifestation de ce soutien social est en soi bénéfique, soit indirectement, parce que le soutien social amortit les facteurs de stress externes.
L’impact positif du soutien social sur les résultats de santé a déjà été largement documenté : les études -citées ici par les auteurs- ont montré que le soutien social favorise des changements dans les comportements liés à la santé tels que l’exercice, l’alimentation, le tabagisme, l’utilisation de contraceptifs et les pratiques sexuelles à moindre risque. Il est également lié au comportement de recherche d’aide aux premiers stades de l’apparition de la maladie et à l’adaptation au fur et à mesure que la maladie se développe. Enfin, il peut être associé à des résultats positifs en termes de gestion du stress, de la douleur et des maladies chroniques telles que le diabète, les maladies coronariennes, l’asthme et le cancer, et en particulier en ce qui concerne l’observance des traitements.
Le soutien social dans la gestion de l’obésité est, en général, positif sur les résultats de santé : plusieurs études ont mis en évidence un rôle du soutien social dans la perte de poids et le soutien de la démarche sur 5 ans, sur le maintien du poids après une perte de poids intentionnelle d’au moins 6 mois ainsi qu’un meilleur maintien du poids, à la suite d’interventions médicales non chirurgicales contre l’obésité.
Le soutien social peut avoir également des effets positifs, après une chirurgie bariatrique : ainsi, la participation à des groupes de soutien post-bariatrique s’avère prédictive, dans une large mesure, du succès de la perte de poids après la chirurgie, il est également associé à une reprise de poids réduite, à une diminution de la dépression et des troubles émotionnels du comportement alimentaire, à une réduction des problèmes de poids et, finalement, à une plus grande perte de poids post-opératoire. Des études ont même décrit comment les partenaires modifient souvent leurs propres comportements alimentaires pour soutenir leur conjoint après une telle intervention chirurgicale.
Le côté négatif du soutien social dans la gestion de l’obésité et de la perte de poids : si le soutien social semble donc, majoritairement, avoir un impact positif sur les résultats de santé liés à la perte de poids, au maintien du poids et à l’amélioration du bien-être dans le contexte de la gestion de l’obésité, l’analyse souligne, pour la première fois, un aspect plus problématique du soutien social, et révèle que :
toutes les formes de soutien ne sont pas bénéfiques.
Les études font en effet état, également de comportements de coercition et de pression des proches, envers la personne qui cherche à perdre du poids, la poussant à adopter des comportements alimentaires malsains. Ces comportements sont d’ailleurs retrouvés dans la littérature à l’identique, lorsqu’il s’agit de rapports sexuels non protégés ou de consommation de substances.
- Dans le contexte de la gestion de l’obésité, la recherche met ainsi en évidence un rôle plus négatif du soutien social. Des entretiens avec des patients après une chirurgie bariatrique décrivent comment les amis et la famille peuvent être décourageants et parfois stigmatisants, comment les patients peuvent recevoir des commentaires blessants et critiques, et, comment des aspects négatifs du soutien social peuvent saper les tentatives de gestion du poids :
Les membres de la famille peut se sentir menacés dans leur propre image et estime de soi, par la perte de poids d’un proche
Certaines formes de cet impact social négatif prennent tout simplement la forme de l’absence de soutien social positif, sont plus passives, comme l’absence de soutien émotionnel, l’absence de soutien pratique ou encore l’absence de soutien informationnel. Une forme plus active de l’impact social négatif, qui comporte d’ailleurs un certain degré d’intentionnalité, sont caractérisés par le sabotage, la suralimentation imposée ou la collusion des proches.
- Le sabotage consiste, en pratique, à décourager la personne à adopter une alimentation différente, plus saine, à participer à des groupes de soutien, à reprendre en estime de soi, à modifier ses habitudes de vie…
- La suralimentation imposée est définie par un comportement « nourricier », généralement pratiqué tel un geste d’amour voire de richesse et de statut, et consiste à offrir délibérément de la nourriture lorsque la personne n’a pas faim ou essaie de manger moins ;
- la collusion qui s’exerce au sein de la famille ou des amis consiste à ne pas accepter collectivement le comportement de perte de poids.
« La perte de poids entraîne souvent des changements chez la personne, qui regagne en confiance et retrouve une « dynamique sociale ». Il est fréquent que les proches n’apprécient pas de tels changements et puissent, consciemment ou pas, tenter de faire dérailler les tentatives de perte de poids afin de garder « les choses telles qu’elles sont » ».
Cette méta-analyse souligne ainsi, en cas de démarche de perte de poids, un aspect plus négatif de l’impact social. Elle appelle en pratique à développer de nouvelles interventions, ou une sorte de feuille de route pour la famille et les amis qui pourrait les inciter à être plus solidaires de ceux qui font le choix de perdre du poids.
« Les gens cherchent à perdre du poids pour un certain nombre de raisons, que ce soit pour leur santé globale ou pour se sentir mieux dans leur peau. Le soutien des amis et de la famille peut être un outil inestimable pour les aider à atteindre leurs objectifs, mais parfois les proches contrecarrent ces efforts agissant comme un obstacle à l’adoption d’un mode de vie plus sain ».
Alors que des études plus nombreuses documentent des preuves de l’impact négatif du soutien social, c’est donc un appel au développement d’interventions pour la famille et les proches, visant à favoriser, das l’entourage, l’adoption de comportements sains.
Source: Current Obesity Reports 7 June, 2023 DOI : 10.1007/s13679-023-00504-5 Sabotage, collusion and being a feeder: towards a new model of negative social support and its impact on weight management