L’hormone est mieux connue comme la clé de l’équilibre énergétique et de la satiété. Elle trouve avec cette étude de la Johns Hopkins Medicine une nouvelle indication possible : sa libération nasale pourrait aussi atténuer les troubles respiratoires durant le sommeil. La preuve de concept est ici apportée sur des souris endormies, et documentée dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine.
La leptine, une hormone créée par les cellules adipeuses, identifiée pour la première fois en 1994, cible le centre de l'appétit dans le cerveau, et contribue à réguler l'appétit. Si son potentiel dans le traitement de l'obésité et la maîtrise de la suralimentation doit encore être concrétisé, ce nouveau rôle dans le système respiratoire pourrait élargir encore ses promesses thérapeutiques, souligne le Dr Vsevolod Polotsky, professeur de médecine pulmonaire et de soins intensifs à l’école de médecine de l’Université Johns Hopkins. Son laboratoire étudie la fameuse hormone depuis plus de 20 ans.
Ses dernières expériences, menées chez la souris, montrent que la leptine peut être efficace à soulager les problèmes de respiration pendant le sommeil, par administration nasale. Concrètement la recherche l’envisage dans le traitement de l’apnée ou syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), une condition grave, voire mortelle, qui affecte environ 30% des adultes et trop rarement prise en charge -notamment en raison d’une mauvaise acceptation du traitement standard*. La prévalence de l’apnée peut atteindre jusqu’à 50% des patients obèses. La maladie est caractérisée par des périodes fréquentes et brèves pendant lesquelles la respiration cesse au cours du sommeil, en raison de la fermeture des voies respiratoires supérieures. Le résultat est la privation d'oxygène qui peut conduire, chez les patients obèses au syndrome d'hypoventilation-obésité : les centres cérébraux régulant la respiration pendant le sommeil fonctionnent anormalement et n'augmentent pas correctement et suffisamment la respiration en réponse au dioxyde de carbone, ce qui entraîne une accumulation de CO2 dans le sang.
*Le traitement efficace le plus courant consiste à porter régulièrement un masque et une machine à ventilation en pression positive continue (CPAP : Continuous Positive Airway Pressure), ce qui augmente mécaniquement la pression atmosphérique dans la gorge et maintient ainsi les voies respiratoires ouvertes pendant le sommeil. Mais comme les appareils de CPAP doivent être portés en permanence pendant le sommeil et que certains patients les trouvent encombrants, inconfortables et bruyants, un nombre considérable de patients cesse le traitement.
La leptine déjà documentée comme essentielle à la régulation de la respiration : les chercheurs citent des preuves préliminaires de ce rôle clé de la leptine mais rappellent aussi que les souris souffrant d’obésité induite par le régime alimentaire sont résistantes à l’hormone leptine et ne répondent pas au traitement par leptine par injection…En effet, dans ce cas, la leptine ne peut traverser la barrière hémato-encéphalique et atteindre les cellules cérébrales cibles. L’équipe a donc regardé si l'administration nasale pouvait vaincre cette résistance à la leptine.
Une pulvérisation nasale chez des souris obèses : les chercheurs d’abord évalué l’effet d’une dose unique (0,4 milligrammes par kilogramme de poids corporel) par pulvérisation nasale chez des souris mâles rendue obèses par un régime alimentaire riche en graisses pendant 16 semaines. Les chercheurs ont évalué la quantité d'air inhalée et le nombre d’insuffisances en oxygène pendant le sommeil, et les niveaux d'oxygène dans le sang. Les expériences montrent que seules les souris ayant reçu de la leptine par le nez présentent une ventilation accrue de plus de 40% pendant le sommeil, ce qui atténue l'obstruction des voies respiratoires supérieures et réduit de plus de moitié le nombre d’épisodes d’insuffisance en oxygène.
La pulvérisation nasale amène la leptine jusqu’au cerveau : le marquage des neurones dans le cerveau de souris ayant reçu la leptine par le nez montre que le récepteur de la leptine situé à la surface des neurones a bien détecté l’hormone, ce qui signifie que cette méthode d'administration est bien capable de contourner la barrière hémato-encéphalique et d’amener l’hormone jusqu’au cerveau.
De plus, les souris traitées avec la leptine par le nez présentent une réduction de l’apport alimentaire et une perte de poids. Elles perdent près de 3% de leur poids corporel. L’étude confirme donc l’effet « satiété » déjà bien documenté de l’hormone mais suggère un second effet bénéfique contre les troubles respiratoires pendant le sommeil.
Il reste un long chemin pour identifier les molécules clés qui régulent la respiration et comment ces molécules pourraient être utilisées pour traiter des maladies telles que l'apnée du sommeil mais la découverte ouvre la voie à de nouvelles options de traitement. Il faudra bien évidemment vérifier l’absence d’effets secondaires dont de réactions allergiques et pouvoir répliquer ces résultats chez l’Homme…
Source: American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine October 02, 2018 DOI : 10.1164/rccm.201805 Intranasal Leptin Relieves Sleep Disordered Breathing in Mice with Diet Induced Obesity
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